Depuis plusieurs années, la vérification des faits, ou fact-checking, s’est imposée comme une réponse aux vagues de désinformation qui inondent les réseaux sociaux et les médias en ligne. 

Pourtant, son efficacité fait débat. Certains considèrent que le fact-checking est un outil essentiel pour contrer les fausses informations, tandis que d’autres estiment que son impact réel sur les croyances et comportements des individus reste limité.

Alors que Meta a récemment annoncé l’abandon de son programme de vérification des faits aux États-Unis, la question se pose avec encore plus d’acuité : la vérification des faits est-elle réellement efficace pour lutter contre la désinformation ?

Un outil nécessaire mais pas suffisant

Le fact-checking repose sur une démarche journalistique rigoureuse qui consiste à analyser, vérifier et rectifier les informations trompeuses circulant sur internet. En France, des médias comme Les Décodeurs du Monde, CheckNews de Libération et AFP Factuel se sont spécialisés dans cette mission.

Des études ont montré que la vérification des faits a un effet positif sur l’amélioration des connaissances factuelles. Autrement dit, lorsqu’un internaute est exposé à un fact-checking détaillant pourquoi une information est fausse, il est plus susceptible de corriger son opinion sur ce point précis.

Cependant, plusieurs limites sont identifiées :

  • L’effet limité sur les opinions profondément ancrées : Une étude menée par DW Akademie souligne que même lorsqu’une personne reconnaît qu’une information est erronée, cela ne signifie pas qu’elle changera sa manière de penser sur le sujet. Les croyances préexistantes influencent fortement la manière dont nous acceptons ou rejetons une correction.
  • Le phénomène du biais de confirmation : Les individus ont tendance à privilégier les informations qui confirment leurs opinions et à rejeter celles qui les contredisent, même lorsqu’elles sont vérifiées.
  • Une efficacité moindre en période de crise ou d’élections : Lors de campagnes électorales ou de débats polarisés, les émotions et les convictions l’emportent souvent sur les faits. Les correctifs apportés aux fausses informations peuvent même renforcer la croyance initiale d’un individu, un phénomène connu sous le nom « d’effet boomerang ».

Ainsi, si la vérification des faits joue un rôle essentiel, elle ne suffit pas à elle seule pour lutter efficacement contre la désinformation, notamment lorsque celle-ci est profondément enracinée dans l’opinion publique.

Le cas Meta : un tournant pour la lutte contre les fake news ?

En janvier 2025, Meta (Facebook, Instagram) a annoncé la suppression de son programme de fact-checking aux États-Unis. Ce programme, lancé en 2016 après l’élection présidentielle américaine, avait pour objectif de réduire la propagation des fausses nouvelles sur ses plateformes.

Pourquoi Meta abandonne-t-elle ce dispositif ?

  • Des critiques sur la partialité du fact-checking : Certains groupes estiment que la vérification des faits peut être biaisée et qu’elle privilégie certaines perspectives au détriment d’autres.
  • Un coût élevé : Le maintien d’un réseau de fact-checkers indépendants représente une dépense importante pour les plateformes.
  • Une volonté de changement de stratégie : Meta explore une approche basée sur la « correction communautaire », similaire aux Community Notes de X (ex-Twitter), où les utilisateurs peuvent eux-mêmes apporter des précisions aux publications suspectes.

Si cette décision concerne pour l’instant les États-Unis, elle soulève des inquiétudes quant à son éventuelle extension à d’autres pays, y compris la France, où le fact-checking est un élément clé de la lutte contre la désinformation.

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Quelles implications pour la France ?

En France, les réglementations sur la désinformation sont plus strictes qu’aux États-Unis. Notamment grâce à la loi contre les fake news de 2018, qui permet de sanctionner la diffusion de fausses informations en période électorale.

Toutefois, la fin du partenariat entre Meta et les médias spécialisés pourrait avoir plusieurs conséquences :

  • Une augmentation de la visibilité des fausses nouvelles, sans signalement clair pour alerter les utilisateurs.
  • Une réduction de la portée des articles de fact-checking, qui bénéficiaient jusqu’ici d’un soutien algorithmique sur les réseaux sociaux.
  • Un impact potentiel sur le débat public, notamment lors des élections et des crises sanitaires, où la désinformation joue un rôle clé.

Les autorités françaises pourraient faire pression sur Meta pour maintenir des collaborations locales avec des médias de fact-checking. Mais rien ne garantit que l’entreprise acceptera ces exigences, surtout dans un contexte où elle cherche à réduire ses dépenses.

Vers de nouvelles approches ?

Si la vérification des faits traditionnelle montre certaines limites, des alternatives émergent pour lutter contre la désinformation de manière plus efficace :

  1. L’éducation aux médias : Apprendre aux citoyens à vérifier eux-mêmes les informations et à développer un esprit critique est une stratégie de long terme essentielle.
  2. L’intelligence artificielle : Certains outils automatisés commencent à analyser la véracité des informations en temps réel, mais leur fiabilité reste encore à perfectionner.
  3. Les systèmes de correction communautaire : X (ex-Twitter) a mis en place un système où les utilisateurs peuvent ajouter du contexte aux publications. Meta pourrait suivre cette voie, mais ce modèle pose la question de la modération et de la fiabilité des corrections apportées.

L’avenir de la lutte contre la désinformation passe sans doute par une combinaison de ces différentes approches. Cette implique à la fois les médias, les plateformes et les utilisateurs.

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Une réelle efficacité ou un combat permanent ?

Alors, la vérification des faits fonctionne-t-elle vraiment ?

La réponse est oui… mais avec des limites. Le fact-checking permet d’améliorer la compréhension des faits. Cependant, il se heurte à des obstacles psychologiques et sociétaux qui empêchent souvent une correction efficace des fausses croyances.

Avec la décision de Meta d’abandonner son programme de fact-checking, l’avenir de la lutte contre la désinformation est plus incertain que jamais. En France, où les réglementations sont plus strictes, il reste à voir si cette tendance s’étendra et comment les médias, les autorités et les citoyens réagiront face à cette évolution.

Dans un monde où la désinformation continue de se répandre rapidement, la solution pourrait bien être une responsabilisation collective, combinant régulation, éducation et innovation technologique. Car au final, la meilleure arme contre les fake news, c’est un public averti.